• Chapitre 7

    Chapitre 7

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    Dans un endroit sombre, où l'on pouvait distinguer les murs de pierres grâce à la lumière de la lune traversant quelques grandes fenêtres, une silhouette d'homme portant une grande cape noire était assis sur un siège ressemblant à un trône. En bas d'une dizaine de marches, une autre silhouette était prosternée et avait l'air d'attendre que son supérieur prenne la parole.

    -Élarios, il va falloir faire un choix. Je veux cette fille. Et je ne garderai pas longtemps cet Inorays en vie dans nos prisons.
     La silhouette prosternée supplia.
    -Je m'occupe de la fille. S'il vous plait, gardez l'Inorays en vie, j'en ai besoin... Il fait partit de mon plan ! 
    L'homme à la cape noir le regarda d'un œil intéressé.
    -Et quel est ton plan ?
    Elarios émit un sourire narquois.
    -J'ai remarqué que cette fille craquait pour moi. En lui donnant rendez-vous demain matin près du lac. J'en profiterai pour l'amadouer et l'amener ici. Elle finira par me révéler ses secrets.
    Son supérieur était de plus en plus intéressé par son plan. Mais il avait réfléchit à ce qu'il pourrait se passer.
    -Et si elle ne vient pas ?
    Elarios continua de sourire et releva un peu la tête. Il avait tout prévu.
    -C'est là que l'Inorays intervient dans l'histoire. Si elle ne vient pas, nous l'exécuterons.

    L'homme était presque convaincu. Mais il posa une dernière question qui l'inquiétait.
    -Comment le saurais-je si je dois le tuer ou non ?
    Elarios rebaissa la tête, par respect. Il lui expliqua.
    -Un de mes amis m'accompagnera. Il s'appelle Azéléra ! Il vous dira ou non si la fille est venue !
    Cette fois, le supérieur était totalement convaincu. Il hocha la tête en rigolant.
    -Je te fais confiance Élarios. Ne me déçois pas. Et dès que tu connais ses secrets, donne-les-moi !


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    Quelque chose sur mon nez me démangeait et m'empêchait de continuer mes rêves. Par réflexe, j'éternuai et ouvris les yeux. Le soleil éblouissant m'obligea malheureusement à les refermer. Encore une fois, j'étais surprise de me retrouver sur un tas de feuilles et non sur mon matelas moelleux. Je me redressai et m'étirai longuement en me forçant à regarder autour de moi pour m'habituer à la forte luminosité. J'aperçus Eralius qui arrivait avec un panier dans la main. Lorsqu'il me vit, il se rapprocha de moi et me tendis l'un des fruits qui se trouvaient dans le récipient.

    Je le pris volontiers et croquai dedans. Le fruit ressemblait à une pêche. Il était juteux, sucré et pas du tout amer. Je ne pensais pas que de tels fruits pouvaient exister ! Mais je n'avais pas le temps de penser à ça. Je me souvins que je devais aller au rendez-vous d'Elarios ce main -je pensais que c'était lui-. Une question me perturba : "Comment allais-je m'éloigner d'Eralius sans qu'il ne me suive ?" Heureusement, la réponse vint à moi lorsqu'il m'annonça.
    -Bon, je vais cueillir d'autres fruits pour tout à l'heure. Tu veux venir ?
    C'était le moment où jamais. Je sentais que la chance était avec moi aujourd'hui !
    -Heu... Non. Je vais rester ici pour... Pour surveiller !
    Il me fit un regard interrogateur mais n'insista pas.
    -A bon ? Bah, tu fais comme tu veux, je reviens !

    Je le regardai partir avec un sourire aux lèvres. J'attendis qu'il soit hors de mon champ de vision pour prendre ma sacoche et partir au rendez-vous. Je touchai le sol, près de mon tas de feuilles mais ne sentis rien. Mon cœur se mit à battre de façon irrégulière. Où était ma sacoche ? Il me semblait pourtant l'avoir mise près de moi...

    Tant pis, je n'avais plus le temps de la chercher ! Je risquai d'être en retard au rendez-vous d'Elarios. Déjà que j'avais dû me réveiller assez tard...  J'espérai qu'Eralius allait la retrouver. Je me levai et me dirigeai vers l'étang en essayant de me rappeler où c'était. Heureusement, il ne fut pas difficile à trouver. J'aperçus Elarios qui m'attendait patiemment, assis sur un rocher. Même s'il me tournait le dos, je devinai qu'il fixait l'eau. Je voulus m'approcher sans faire de bruits pour le surprendre

    J'entendis alors des bruits de pas -ou alors c'était mon imagination qui me jouait des tours- courir loin de nous. La surprise que je voulais faire était tombée à l'eau. Mais qui était cette personne qui venait d'essayer de nous fuir ?
    -Je savais que tu viendrais. (Elarios se retourna et me fit son plus beau sourire) Tu vas bien ?
    J'aurai parié que l'intrus n'était pas venu ici par hasard. Pourtant, Elarios n'avait pas l'air de s'en soucier... Ou alors c'était prévu. Mais je n'étais pas venu pour me soucier de ça.
    -Il est où ? Relâche-le !
    Elarios ne s'arrêta pas de sourire. Il me demanda.
    -Mais... De qui parles tu, voyons ?
    Il osait faire semblant de ne rien savoir ?! Je crois que si je n'étais pas sous son charme, je l'aurais étranglé. 
    -Ne fais pas l'innocent ! Je suis venue pour ça. Pour que tu libères Tolarys !
    Elarios se mit à rire. Je voyais qu'il le faisait exprès... A mon avis, il s'amusait à me faire impatienter.
    -Je ne peux rien faire pour ton ami. Et même si je le pouvais, je ne ferai rien. Maintenant, si ça peut te rassurer, il est toujours en vie.

    J'étais rassurée de savoir qu'il n'avait pas tué Tolarys. Tellement rassurée que je l'oubliai dès que je vis la beauté d'Elarios. Je ne me lassais pas d'admirer son visage. Le soleil faisait briller ses cheveux de jais. Ses yeux me regardaient toujours avec son regard tendre. Même si son comportement n'était pas égal à son physique, je l'aimais. Et maintenant je savais qu'il ressentait la même chose pour moi ; ce qui me fit prendre plus confiance en lui. Elarios descendit de son rocher et me fit face. Il me demanda en me montrant l'eau du doigt.
    -Tu veux venir te baigner ? L'eau est belle et chaude aujourd'hui.


    Je le regardai de travers. Bien que cela fasse un petit bout de temps que je ne m'étais pas lavée, je n'allais pas le faire avec lui.
    -Heu... Tous les deux ?
    Il se mit à rire de plus bel.
    -Bien sûr ! Pourquoi, ça te déranges ? (Il sentit que je rougissais) Allez, le premier dans l'eau !
    Je n'osais pas dire non. Mais l'idée d'aller me baigner nue avec lui m'empêchait de bouger. Je le vis se mettre en caleçon à une vitesse époustouflante et plonger dans l'étang. L'idée de rester en sous-vêtements était bonne... Ce ma gênait de les mouiller mais je n'avais d'autres solutions.
    -Allez viens, elle est bonne !

    Je regardai Elarios en souriant. J'enlevai délicatement mes habits jusqu'à être en sous-vêtements. Heureusement que ce jeu les avaient inventés ! Quand Elarios ne fit plus attention à moi, je me mis doucement dans l'eau. Il avait raison, elle était bonne... Chaude même ! Je commençai à faire quelques brasses pour rejoindre Elarios. Celui-ci ne m'en donna pas la peine et se dirigea vers moi en quelques mouvements remplis de grâce. Il se mit près de mon corps... Je rougissais encore.
    -Tu as l'air bizarre, tout vas bien ?

    Elarios m'intimidait. Sans le faire exprès, je baissai les yeux et admirai son torse. Il avait moins de muscle que je ne me l'étais imaginé. D'ailleurs, il n'avait ni boutons ni grain de beauté. Je repris mes esprits en sachant qu'il attendait une réponse à sa question.
    -Heu... Oui...
    Soudain, je reçus de l'eau sur le visage. Après me l'avoir enlevée, je m'aperçus qu'Elarios s'était amusé à m'éclabousser. Bien que j'aie été surprise, il avait réussi à m'attirer dans son jeu. Je lui rendis ce qu'il m'avait fait.

    Elarios se mit à sourire et plongea sous l'eau. Je regardai son ombre tourner autour de moi. Je trouvais qu'Elarios était un très bon nageur. Je poussai un cri lorsque je sentis une main attraper ma jambe. Je détestai ça ! Je le regardai me faire des signes pour que je le rejoigne. Après un instant d'hésitation, je décidai de le rejoindre. J'aspirai un grand coup et plongeai sous l'eau. Elarios me prit la main et m'obligea à le suivre. Malheureusement, je manquai vite d'air. Elarios me lâcha la main pour que je puisse remonter à la surface. Je sortis violemment la tête de l'eau et aspirai l'oxygène longuement en levant la tête. Je repoussai ensuite mes longs cheveux de mon visage pour y voir un peu plus clair.
    Quelques secondes après, je vis Elarios sortir lui aussi de l'eau. Je ne savais pas comment il faisait pour retenir aussi longtemps sa respiration. Il se rapprocha de moi en souriant et mis une main derrière mon dos pour me ramener vers lui. Je sentis ensuite des lèvres se poser sur les miennes. Je me laissai faire en fermant les yeux. Si j'avais su que je connaitrai l'amour dans un jeu vidéo, j'en aurais acheté plus souvent. Elarios s'éloigna lentement de moi et me prit par la main pour me ramener vers l'herbe. Je voulais rester dans l'eau, moi ! Malheureusement, je n'osais pas protester et le suivis.

    Je sortis de l'eau avec la peau toute fripée et les sous-vêtements mouillés. Sans savoir que faire, je jetai un ?"il vers Elarios qui avait l'air d'avoir l'habitude de ce genre de situations. Celui-ci se rhabillait sans s'inquiétait de ce que je pouvais ressentir. Je profitai de son inattention pour lui tourner le dos et essayer d'essorer mes sous-vêtements. Lorsqu'ils furent simplement humides, je me rhabillai en vitesse et rejoignis Elarios qui avait fait de même. Celui-ci me prit délicatement la main en me regardant droit dans les yeux d'un regard charmeur.
    -Reste avec moi Solène ! Suis-moi vers mon village et ne nous quittons plus !

    Je le regardai en arrêtant de respirer... Je ne pouvais pas... Je ne voulais pas laisser Eralius seul et moi... Moi, je devais rentrer chez moi ! Je voulais revoir Julie, Claire, mon lycée, mes parents et tous les autres. Mais pour cela, je devais trouver ce fameux mage Romulus. Et puisque c'est un Altirys, Elarios était le seul à pouvoir m'aider. Je devais donc essayer de gagner sa confiance et puis... Passer un peu de temps avec lui ne se refuse pas... C'était surement les raisons qui me firent accepter sa demande !
    Elarios eut un sourire de satisfaction. Il avait l'air... Soulagé de quelque chose ! Avait-il peur que je refuse ? Même si c'était le cas, je le comprendrais mais j'avais peur d'être manipulée. Elarios me pris les mains dans ses mains et me regarda droit dans les yeux avec un air sérieux.  Son regard me fit comprendre que ce n'était pas le moment de rigoler.
    -Il faudra que tu fasses très attention. Ce que je fais est strictement interdit. Si on nous découvre ensemble, ça ira très mal pour nous deux. Promets-moi que tu feras attention...

    J'hochai la tête. Il pouvait bien entendu me faire confiance. De toute façon, j'avais du mal à m'imaginai qu'il pouvait me manipuler... Elarios me lâcha une seule main et me serra légèrement plus fort la deuxième en me forçant à le suivre. Il se mit alors à marcher vers le village. Mon cœur se serra. J'avais encore l'impression d'être tombée dans un piège... Qu'Elarios n'allait pas m'emmener en sécurité mais plutôt dans une prison... Bon, dans ce cas là je me retrouverai avec Tolarys et je n'aurais plus aucune raison de m'inquiéter pour lui. Pourtant, d'un coté, je ne le pensais pas. Je faisais confiance à Elarios. Si ce qu'il a dit était juste alors il n'oserait jamais me livrer au chef des Altirys.  Et peut être que lorsque je serai arrivée au village des Altirys, l'on ne fera pas attention à moi et je pourrai continuer ma mission tranquillement pour pouvoir rentrer chez moi... Enfin non... Même s'ils oubliaient que j'avais réussi à passer niveau huit comme par miracle, je resterai une petite paysanne Inorays à leurs yeux et je finirais la tête tranchée par leurs fines lames. Je devais donc écouter Elarios et faire attention pour enquêter discrètement.

    -Solène, arrête de rêver. Nous arrivons ! Maintenant, suis-moi bien en restant le plus possible naturelle. Il ne faut pas qu'on te soupçonne de quoi que ce soit.
    A la place de se diriger vers le village, Elarios m'emmena vers le château ! Alors c'était bien un piège ?!
    -Heu... Elarios... Rassure-moi, on ne va pas là bas... Enfin, pas dans le château ?!
    Elarios soupira et ne s'arrêta pas. Il répondit tout en continuant de marcher vers le bâtiment de pierres.
    -Tu seras plus en sécurité dans le château que dans le village !

    Cette fois, je ne protestai pas. Mais le fait d'aller vers le château m'angoissait. J'étais sûr que c'était un piège, qu'il voulait me livrer à son chef ! Cependant, je le suivis sans faire d'histoires. Je commençais à avoir peur mais en même temps, j'avais un peu d'espoir. J'espérai que tout ce qu'il me disait était vrai. A mon grand espoir, Elarios n'alla pas droit vers l'entrée du bâtiment. Il le contourna et se dirigea vers une petite porte de bois, cachée par quelques buissons.

    Celle-ci menait dans une petite salle poussiéreuse comportant quelques provisions ainsi que de vieux objets et accessoires qui devaient sans doute appartenir jadis à des Altirys. Elarios fouilla dans un panier posé contre l'un des coins de la salle et en sortit une longue cape rouge. Il revint vers moi et me la tendit.
    - Mets-la ! Elle te cachera.

    Je regardai le tissu de couleur vive et me décidai à l'enfiler.  Elarios m'aida à mettre une capuche accrochée à la cape. Celle-ci ne cachait guère grand-chose à part mes cheveux ! J'espère tout de même qu'Elarios savait ce qu'il faisait. Après m'avoir déguisé en chaperon rouge, Elarios ouvrit une seconde porte que je n'avais pas encore remarquée. Après un instant d'hésitation, j'aspirai un bon coup et le suivi. La porte menait dans un endroit que je reconnaissais assez bien ; ce long couloir éclairé dont les Altirys s'étaient servis pour m'emmener droit vers leur chef. L'angoisse montait de plus en plus... Heureusement, Elarios ne m'emmena pas droit vers cette grande porte de bois que je redoutais tant. Non, il se dirigea vers une des entrées sur la gauche. 

     

    Avant que je n'aie le temps ne faire quoi que ce soit, mon compagnon ouvrit la petite porte et me poussa gentiment à l'intérieur de la pièce. Elarios se pressa de fermer la porte et expira longuement. J'entendis alors des bruits de pas qui venaient de derrière la porte. Cette fois j'en étais sûr, je ne pouvais plus revenir en arrière ! Je devais rester ici, dans le château des Altirys, avec Elarios. Comment allais-je me sortir de ce pétrin ? Je préférai ne pas trop réfléchir à la question et regardai mon compagnon.
    -Elarios, es-tu sûr de ce que tu fais ?
    Celui-ci me fixa en souriant.
    -Evidemment... Pourquoi ? Tu as peur ?

    Je lançais vivement un petit « non » pour ne pas l'inquiéter ou le faire douter de moi. En réalité, je mourrais de trouille. Je pris tout de même un moment pour examiner la pièce où je me trouvais. Mes yeux aperçurent un lit de bois composé de draps blancs posé contre un mur de pierre, à coté d'une fenêtre. En face de celui-ci, un meuble -ressemblant surtout à un bureau- comportait quelques veilles feuilles légèrement jaunies, et une sorte de crayon à papier.  C'était quand même assez moderne pour un jeu se passant au moyen âge ! Il y avait aussi une armoire, près de la porte, où devait être rangés des vêtements. Je pus en conclure que je me trouvais actuellement dans une chambre. Peut-être celle d'Elarios ?
    -Tu as faim sans doute ? Reste ici, je vais chercher de quoi manger. Surtout, n'ouvre à personne et ne sors pas de cette chambre !

    Je hochai la tête pour lui faire comprendre qu'il pouvait me faire confiance. De toute façon, je n'avais pas vraiment le choix. Je devais lui obéir si je ne voulais pas me retrouver avec d'affreux problèmes. J'en avais déjà assez ! Elarios sortit de la chambre en refermant la porte derrière lui. J'en profitai pour continuer d'explorer cette fameuse salle. Je ne savais pas que les chevaliers possédaient une chambre dans le château. Ils devaient être bien traités dans ce cas. J'enlevai la cape qui commençait à me donner chaud et la déposai sur le lit en essayant de me sentir à l'aise. Le bureau attira ma curiosité. Contenait-il des choses personnelles sur Elarios et si oui, lesquelles ? Je voulais en apprendre plus sur lui. C'était peut être un personnage de jeu mais ces fameux personnages n'étaient pas du tout normaux. Ce monde virtuel cachait quelque chose qui m'intriguait beaucoup.

    J'ouvris l'un des trois tiroirs qui composaient le bureau, après avoir jeté un coup d'?"il aux feuilles blanches posées dessus. Dans celui-ci, j'y trouvai seulement d'autres feuilles vides. J'en ouvris ensuite un deuxième, juste en-dessous du premier. Cette fois, c'était un coffre qui se trouvait dedans. Je le pris entre mes mains et le soulevai difficilement ; qu'il était lourd ! Je le posai sur le bureau en expirant longuement. Pendant que je reprenais mon souffle,  j'ouvris la boite et découvris une montagne de pécas avec une petite clé au dessus. Tien, que pouvait-elle donc ouvrir ? Je baissai la tête et aperçus le troisième tiroir cadenassé. Un léger sourire s'afficha sur mon visage. Non seulement le tiroir devait contenir quelque chose de précieux mais en plus, j'avais -comme par hasard- trouvé une clé. J'essayai donc de l'enfoncer dans le cadenas et réussis à l'ouvrir. Je me hâtai de regarder ce qu'il y avait à l'intérieur.
    Cette fois, je découvris un petit cahier soigneusement rangé. Je regardai encore une fois que personne n'était dans la pièce et l'ouvrit au hasard. Je tombai alors sur une page remplie de crayon noir. Cependant, l'écriture était lisible et en français heureusement. Je pris la peine de lire à voix basse.

    "Aujourd'hui, je ne sais plus quoi faire. Que me conseilles-tu ? Dois-je me préparer à affronter les Inorays sur leur territoire ? Ou dois-je continuer de veiller sur ma contré ? Mon père me dit à chaque fois qu'il faut que je sois courageux et fort pour mener à bien notre tribu. Mais pour cela, je dois sacrifier ma vie. Tous ces problèmes seront résolus si je n'avais pas échoué ma mission et que j'avais trouvé l'épée Stravelus. Cette épée légendaire aurait été la fin de la guerre et notre tribu aurait remporté la victoire ! Mais même si j'ai échoué une fois, je continuerais à la chercher ! Épée légendaire Stravelus, je te trouverais !"

    Mais... C'était un journal intime ! Je n'aurais jamais pensé qu'Elarios puisse en faire un. En plus cette épée... Stravelus, était-elle celle qui figurait sur ma feuille d'astuce ? J'aurais surement dû la garder avec moi, au lieu de la confier à Eralius. Au moins, j'en aurais eu le cœur net... Et je n'aurais pas du l'abandonner lui aussi. Il était maintenant seul dans une contrée d'Altirys... S'il lui arrivait quoi que ce soit... Je m'en voudrais toute ma vie, c'est certain !
    J'entends alors des bruits de pas venir vers la porte...

    Mince, ce devait-être Elarios ! S'il me découvrait à fouiller dans ses affaires, il oublierait vite ses sentiments pour moi ! Je fermai le cahier et le remit dans le tiroir sans prendre le temps de refermer le cadenas. J'eus le temps de cacher la clé à l'intérieur de la boite et de remettre celle-ci à sa place. Mon c?"ur battait à cent à l'heure. Je n'avais jamais été aussi stressée de ma vie. Je regardai la porte s'ouvrir lentement en ravalant ma salive. L'homme qui apparut était bel et bien Elarios qui revenait avec une corbeille remplie de fruits et de petits pains. L'odeur qui s'en dégageait me donna alors faim. Mon compagnon me fit un petit sourire et referma la porte. Ma respiration accélérait de plus en plus.

    J'espérais qu'il ne découvre pas que j'ai fouillé dans son bureau, pire, que j'ai lu son journal intime. Heureusement, il n'avait pas l'air de s'en soucier mais lorsqu'il me fixait droit dans mes yeux inquiets de son regard d'émeraude, il avait l'air de se douter de quelque chose.

    Il tourna soudainement la tête vers son tiroir. Comment avait-il su si vite ?! Elarios s'en approcha à pas lents et l'ouvrit en examinant le cadenas ouvert. Sans rien dire, il vérifia que la clé était bien dans la boite et se retourna vers moi avec des yeux furieux.
    -Tu... Tu as regardé...
    Je n'osais plus respirer. Maintenant, j'en étais sûr... Il allait me tuer ! Tant pis pour les mensonges, je devais rester en vie !
    -Je... Je n'ai pas lu...
    Elarios soupira d'une façon soulagée. Fort heureusement, il croyait à mes paroles. Au moins, j'avais gagné la vie sauve... Pour l'instant ! Il posa le panier sur le lit, à coté de la cape, et le montra du doigt.
    -Tu as faim ? Sers-toi !

    Sans oser répondre -je ne m'étais toujours pas remise de mon angoisse-, je pris timidement une pomme et me forçai à croquer dedans. Je n'avais pas du tout faim mais ne voulais pas faire de la peine à Elarios. Le stress m'enveloppait en me faisant souffrir. J'avais si peur, et pas que de son journal intime. Toutes les mauvaises pensées me revenaient en tête. Je me rappelai alors que j'étais coincée dans un jeu, loin de mes proches, dans un univers inconnu et dangereux où je risquai ma vie à chaque seconde qui passait. Cette remémoration fit tressaillir mon corps. Je commençai déjà à sentir mes yeux devenir humides. Elarios, en me voyant, prit pitié de moi et m'entoura de ses bras consolateurs.
    -Allons, faut pas te mettre dans des états comme ça !

    Il se rapprocha un peu plus de moi jusqu'à me coller. Je sentis ses douces lèvres se poser sur les miennes. Ah non, cette fois j'en avais marre. Il pensait m'amadouer si facilement par un simple baiser ? Je le repoussai vivement de mes bras et l'obligea à s'éloigner de moi. Ne pouvant plus me retenir, j'éclatai en sanglots en me mettant sur le bord du lit pour ne pas qu'il me regarde pleurer. Mais Elarios me fixait avec un petit sourire moqueur.
    -Tu es pitoyable Solène ! Si tu me refuse, où iras tu dormir par exemple ? Tu sais très bien que je peux te livrer tout de suite au chef en plus.

    Je ne répondis pas. En vérité, je ne savais pas quoi répondre à cela. D'un coté il avait raison... Mais d'un autre, je me sentais déjà livrée. En plus de cela, je ne savais pas vraiment s'il profitait de moi ou s'il m'aimait vraiment. Tout se mélangeait dans ma tête, j'étais encore perdue dans mes pensées. Je ne fis même pas attention aux autres baisers qu'Elarios profitait pour me donner. Je tournai difficilement ma tête vers la fenêtre et regardai le ciel bleu, illuminé par le soleil. Quelle heure était-il ? Avions-nous déjà dépassé midi ? J'avais même perdu mes repères de temps. De toute façon je m'en fichai. Aujourd'hui est un jour, demain en est un autre. Peu importe l'heure qu'il est, je veux rentrer chez moi le plus vite possible. D'ailleurs, le temps était-il le même dans ma vraie vie ? Celle où je me levais tous les matins pour aller au lycée. Et justement... En parlant du lycée... Lorsque j'y retournerai, je devrai inventer une bonne excuse ! Je ne pourrai pas leur sortir « J'étais coincée dans un jeu vidéo », ils se ficheraient de moi ou me prendraient pour une folle. Ah si seulement mes amies étaient là pour m'aider... Qu'étaient-elles en train de devenir ? S'inquiétaient-elles pour moi ?

    ~~~

    Julie était affalée sur l'un des bancs du parc qui se trouvait près d'un étang. Juste à sa droite, Claire surfait sur internet, son ordinateur noir posé sur ses genoux qu'elle avait pris soin d'apporter. Le parc était l'un des rares endroits où elle pouvait capter des réseaux wifi. Julie se tordait les doigts en regardant le ciel. Elle n'avait pas cessé depuis leur arrivée ici. Sa perturbation déconcentra Claire qui leva les yeux de son écran pour la fixer.

    -Tu penses encore à Solène n'est ce pas ? Faut pas que tu t'inquiètes pour elle, elle doit surement être malade. Une grosse angine à mon avis !
    Julie se mordit la lèvre inférieure. Elle continuait de se tordre les doigts.
    -Parles pour toi ! Elle doit avoir de gros problèmes pour être absente une semaine au Lycée et ne pas ouvrir la porte quand je vais la voir.
    Claire baissa la tête vers son ordi et soupira.
    -Ne t'en fais pas. Elle va bien !
    Julie regarda l'eau de l'étang. Elle avait l'impression que Solène n'était pas chez elle, dans sont lit bien au chaud.
    -Je n'en suis pas si sûr. Demain, j'irais la voir et si elle n'ouvre pas, j'enfoncerais la porte !

    Claire s'exclama.
    -Julie... Tu es folle ! Tu ne vas tout de même pas entrer par effraction chez elle !
    -Si ! Elle s'est peut être fait enlevée ! Je le verrais bien demain ! Tu m'accompagneras ?
    -Julie... Espèce de cinglée !!! Non, je ne veux pas participer à une entrée par effraction.
    -Avoues que t'as peur !
    -NON !!! Je n'ai pas peur ! Je ne suis pas folle c'est tout !
    -Poule mouillée !!! Cot Cot Cot ! 

    Claire ne bougea plus. Elle devint rouge de rage, à la provocation de Julie et ferma son ordi. Elle se leva, se dirigea vers Julie et la souleva par le col avec ses deux mains. Elle la jeta ensuite violemment par terre, sur le sol boueux. Julie ne perdit pas de temps et attrapa la jambe de Claire, lui faisant perdre l'équilibre et tomber près d'elle. Les deux adolescentes se relevèrent et ne trouvèrent pas d'excuses à leur chamaillerie. A la place de continuer à se battre, elles éclatèrent de rires.

    ~~~

    La nuit venait de tomber. Il commençait à se faire tard. Je n'avais pas vu le temps passer ; il faut dire qu'Elarios s'était rattrapé en essayant de faire plus ample connaissance avec moi. Non, je ne lui avais pas révélé le fait que je n'étais pas de son monde virtuel. Je lui ai juste parlé se mes parents comme quoi ils étaient partis pour une durée indéterminée. Maintenant, je devenais de plus en plus fatiguée. Il fallait dire que notre discussion avait été longue et pas de tout repos. Je fixai Elarios. Je ne me lassai pas de son visage. A chaque fois que je le regardais, j'étais toujours éblouie par sa beauté. Lui par contre, fixait quelque chose derrière moi ; la fenêtre. Mais que regardait-il, lui ? Qu'il y avait-il de si intéressant à travers la vitre ? Je rejoignis son regard et essayait de comprendre ce qui l'attirait vraiment. A part la forêt et le village, je ne voyais rien de curieux.

    Je m'étirai en baillant en faisant comprendre que j'avais envie d'aller me coucher. Elarios ne me répondit pas. Il me montra le lit du doigt. Cela voulait forcément dire que j'allais pouvoir y dormir dessus. Mais c'était son lit... Je ne voulais pas dormir avec lui, moi ! La petite baignade, c'était déjà trop alors le lit... Pourtant je ne protestai pas. Que pouvais-je lui dire ? J'étais non seulement à sa merci mais en plus crevée. J'avais hâte d'être le lendemain. Je voulais à tout prix retrouver le mage pour qu'il me ramène chez moi. Et plus j'attendais, plus je me faisais des obstacles. J'étais déjà tombée amoureuse d'Elarios en quelques jours. Ce qui me faisait une raison pour rester. Je ne voulais pas en avoir d'autres !

    Je m'allongeai confortablement sur le lit d'Elarios après que celui-ci ait pris soin d'enlever le panier et la cape qui étaient dessus. Après la paille et les feuilles j'avais l'impression d'être couchée sur un petit nuage doux et moelleux. Je regardai Elarios sortir de la chambre en essayant de ne pas faire trop de bruit, et fermai les yeux. Le beau pays des rêves se dépêcha de venir à ma rencontre et de m'emporter avec lui.