• Chapitre 6

    Chapitre 6

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    Dans un endroit sombre, un homme dont on ne pouvait distinguer que le regard penseur, regardait par la fenêtre un paysage composé d'arbres éclairés par les rayons de la pleine lune. D'une petite voix, il réfléchissait à voix haute.

    -Me voilà maintenant à penser à elle. Cette fille, si belle, si douce mais en même temps, si dangereuse et si mystérieuse... Je sais qu'elle craque pour moi et tant mieux. Cela me facilitera la tâche.

    L'homme s'approcha d'une petite table rectangulaire où une petite feuille de papier y était posée.

    -Il me faut un plan. Un plan qui me permettrait à coup sûr de la retrouver... Sans oublier ses amis qui traînent, eux aussi, dans la forêt. Je dois m’en débarrasser… Quoi que... Ils pourront sûrement m'être utiles !

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    Je baillai en m’étirant longuement. J’avais peur d’ouvrir les yeux. Je voulais encore me croire chez moi, dans mon lit… Mais je n'allais pas rester éternellement les yeux fermés. De toute façon, je savais très bien ce qu'il m’arrivait. Je savais que je n'étais pas là où je l'espérais. Je savais que j'étais dans un endroit étrange et rempli de dangers...

    Ma première vision fut un long tissu blanc qui m'empêchait d'être éblouie par le soleil. Ah oui, c'était la tente dans laquelle je dormais... Tout me revenait petit à petit en mémoire. J'essayai enfin de me redresser et regardai autour de moi. Je vis deux corps allongés qui paraissaient dormir paisiblement. J'étais donc la seule réveillée...

    Mon premier réflexe fut de me diriger à quatre patte vers les sacs en faisant attention à ne réveiller personne. Je regardai si ma sacoche était toujours là. En vérité, ce n'était pas pour ma sacoche que je m'inquiétais... C'était pour ma feuille d'astuces ! Heureusement, l'un et l'autre étaient présents. Après m'être rassurée, je pris la feuille entre mes mains et la serrai contre moi. C'était ma seule chance pour l'instant de quitter ce jeu. Je la fixai un instant et relus son contenu tout en espérant trouver une astuce intéressante. L'une d'elles me fit sursauter : "Trouver le mage Straterlinus". Et si c'était le mage que je cherchais depuis le début ?

    Une main sur mon épaule me fit sursauter une seconde fois. Je tournai la tête et regardai Éralius qui visiblement venait de se réveiller.

    -Tu sais, je ne pense pas que ce soit ce mage qui t'aie envoyé ici.

    Je le fixai d'un air interloqué. Comment pouvait-il affirmer cela ? En savait-il plus que moi à propos de ma situation ? Pendant un instant, je crus même qu'il avait la réponse à toutes mes questions et n'était pas totalement innocent dans tout ce qui m'arrivait...

    -Alors qui est ce mage ? Et qui m'a envoyé ici ?

    Eralius soupira.

    -Le mage Straterlinus est un grand mage vivant chez les Altirys qui fait de très bonnes potions. Il ne les vend pas cher mais personne ne connait son véritable emplacement... A vrai dire, il ne sort jamais de sa cachette. Cependant il pourrait très bien te renseigner sur celui qui aurait pu t’envoyer ici…

    J'étais rassurée, les soupçons que je venais d'avoir sur Eralius s'envolèrent face à son discours convainquant. Pourtant, un élément m'inquiéta.

    -Mais... C'est un Altirys ?

    Eralius soupira de plus belle et hocha la tête, désespéré.

    -Non… Ce n'est ni un Altirys ni un Inorays… En fait, il habite simplement dans cette contrée mais...  Non, je n’en sais pas plus ! Allons déjeuner. Tolarys ne devrait pas tarder à se réveiller.

    Je n'eus pas le temps de poser d'autres questions que mon ami me prit la main et m'incita à le suivre. Nous sortîmes de la tente en faisant attention à ne pas réveiller notre compagnon. Éralius sortit de son sac du pain et des fruits. Il m'en proposa et se mit à manger près de moi. Je l'imitai avec envie. En regardant le ciel je m'aperçus qu'il faisait toujours aussi beau mais qu'il y avait toujours autant de nuages aux formes bizarres. En croquant dans ma tranche de pain, je demandai.

    -Qu’allons nous faire aujourd’hui ?

    Eralius me répondit en continuant de manger sa pomme.

    -Ça dépend de toi… Tu veux savoir qui est le mage qui t’as envoyé ici ? Et bien, il va falloir trouver Straterlinus ! Tiens, tu n’as qu’à regarder dans ta feuille comment faire !

    Il avait raison. Je pris ma feuille et relus l'astuce pour retrouver le mage. Malgré m'être précipitée pour l'écrire, j'arrivai à déchiffrer mes phrases. Il habitait dans un labyrinthe, sous le village des Altirys. Pour y accéder, il fallait se laisser tomber dans un trou... Tien, cela me rappelait quelque chose... Ce n'était quand même pas le trou où les Altirys m'avaient sauvé ?! J'expliquai tout de même ma supposition à Eralius.

    -Mouais… Ça ne va pas être facile de retrouver ton trou perdu s'il est au milieu du village... Va falloir se déguiser en paysan Altirys pour passer inaperçu le plus longtemps possible !

    Une voix qui n'était ni la mienne, ni celle d'Éralius retentit.

    -Rien que l’idée me fait peur…

    Tolarys venait de se réveiller et avait entendu une partie de notre conversation. Ses cheveux blonds s’illuminaient au soleil. Il semblait de bonne humeur aujourd’hui.

    -Bien dormi Tolarys ?

    J'attendais sa réponse...

    -Bien… Merci ! Personne ne nous a découvert ?

    Je lui fis signe que non avec la tête. Eralius lui proposa à manger mais Tolarys refusa poliment sous prétexte qu'il n'avait pas faim. Mon compagnon aux longs cheveux châtains s'étira longuement, déterminer à commencer cette dure journée. 

    -Bon, nous ne pouvons pas prendre la tente ! Elle est trop grande... Laissons-la ici ! Les Altirys croiront qu’on est encore dans la forêt. Tolarys et moi, on va récupérer des vêtements d' Altirys. Toi, tu restes ici… Surveille le campement !

    Et bien sûr, c'était moi qui devais rester ici. Je ne répondis rien, pour ne pas les offenser. Je les regardai donc partir gentiment. Je profitai d'être seule pour repenser à l'homme qui aurait bien voulu me livrer. Comment avais-je fais pour aimer une personne pareil ? Je repensais à son visage, ses yeux… J’aurais tellement aimé le revoir.

    Je m'impatientai du retour d'Eralius et Tolarys en commençant à douter que l'endroit où je me trouvais était un jeu. Les créateurs auraient pu prévenir de ce genre de situation. Je n'étais quand même pas la seule à avoir joué à ce maudit jeu ?! Ou alors, peut être qu'ils ne le savaient pas... Peut être que le jeu pouvait se développer tout seul et se révolter contre ses créateurs...

    Alors que je commençai à me poser des milliers de questions, deux hommes que je connaissais bien arrivèrent en tenant dans leur bras des habits violets.

    -Allez, c'est l'heure de se changer !

    Ils commencèrent à se déshabiller en me lançant mes nouveaux vêtements. J'hésitai un instant avant de leur lancer.

    -Bon, je vais dans la tente !

    Je n'allai tout de même pas me changer devant eux ? Et puis quoi encore ? Je pris les habits d'Altirys et entrai dans la tente pour me changer.

    Lorsque j'eus fini, je sortis de la tente. Heureusement que Tolarys et Eralius avaient finis de se changer eux aussi.  Nous prîmes les affaires essentielles. Moi, ma sacoche et eux, leurs sacs personnels. Nous nous dirigeâmes ensuite vers le village. Avant d'y rentrer, Eralius me proposa.

    -Tu devrais t'attacher les cheveux. Certains Altirys pourraient te reconnaître, tu as pas mal attiré l'attention hier.

    J'arrachai un petit pan de mes vêtements et me fis un chignon. Enfin, je mis un vieux chapeau de bon cœur que Tolarys avait trouvé. Bon au moins, j'avais moins l'air d'une fille maintenant. Tolarys s'exclama.

    -Nous devrions nous aussi nous déguiser au cas où.

    Eralius soupira, comme s'il désapprouvait cette idée.

    -Et où comptes-tu trouver un déguisement ?

    Tolarys nous regarda avec une idée en tête. Il se baissa et ramassa de la terre encore mouillée. Je n'avais même pas remarqué qu'il avait plu cette nuit. Il se barbouilla le visage avec ce qu'il avait ramassé. Eralius hésita jusqu'à ce que Tolarys le persuade en lui lançant de la terre sur son visage. Il fit de même avec moi. Eralius me regarda d'un air complice. Nous avions alors la même idée en tête : nous venger.

    Nous nous battîmes pendant une dizaine de minutes en nous amusant comme des enfants. Lorsque nous nous sentîmes assez sales, Eralius nous fit comprendre d'arrêter. Encore une fois, il avait raison. Je refis mon chignon, remis correctement mon chapeau et me dépêchai de suivre Tolarys et Eralius qui avaient déjà commencé leur chemin sans moi. Bien que Tolarys n'aimait pas cela, il n'hésita pas à s'avancer dans le village en suivant Eralius.

    Notre entrée ne fut pas des mieux accueillies. Les villageois rigolaient de nous voir tout barbouillés de terre. Un instant, la honte s'installa en moi. Je tournai le regard vers Tolarys. Lui non plus n'était pas à l'aise. Je regardai ensuite Eralius. Lui par contre, s'en fichait complètement. Ou alors il se concentrait surtout sur le trou que l'on cherchait. Quelqu'un eut le courage de venir vers nous, pour mieux se moquer.

    -Qu’est ce qu’il vous est arrivé vous deux ?! Vous vous êtes roulés dans la boue ou quoi ?! Regardez vous autre, voici le trio des boueux !!! Ahaha !!! Les hommes de terre !!!

    Cette fois, j'essayai de l'ignorer... Mais j'avais beaucoup de mal. D'abord on me prenait pour un homme puis pour un monstre sale ! Je ne quittais pas Eralius d'une semelle. C'était le seul qui arrivait à supporter les injures. Mais ma mauvaise humeur se transforma en un magnifique sourire lorsque j'aperçus le trou dans lequel j'étais tombée auparavant. J'accélérai en marchant devant mes deux compagnons. Lorsque nous fîmes assez proches de lui, Eralius nous fit signe de sauter. Je m'assis sur le bord en regardant à l'intérieur de l'espèce de plaque d'égout. Malheureusement je ne reconnaissais rien, c'était le noir absolu.

    Les Altirys nous regardaient en pariant si on allait sauter ou pas. Je retins ma respiration. Je commençais à avoir le vertige. Je contrôlai alors ma peur et me laissai tomber dans le vide. Heureusement, ce n'était pas plus haut que deux mètres. Des cris de joie retentirent. C'étaient surement les gagnants des paris. Tolarys et Eralius m'avaient rejoint. Nous examinâmes les environs. Il faisait tellement sombre que nous vîmes à peine les chemins qui composaient le labyrinthe. Tolarys tourna la tête vers moi.

    - Passe-moi ta feuille que je sache où il faut aller.

    Je fouillai dans ma sacoche et lui tendis le papier. Tolarys se mit alors à marcher droit devant lui en lisant ce que j'avais écrit par rapport au trajet à suivre. Nous vîmes enfin de la lumière... Enfin une torche accrochée au mur. Tolarys sourit et la décrocha. C'était vraiment une chance de l'avoir trouvée !  Grâce à elle, nous pourrons mieux retrouver notre chemin. Mais lorsque je découvris ce qu'il y avait devant nous, j'étais fière d'avoir eu le temps de mettre sur papier le chemin pour arriver jusqu'au mage. Il y avait des dizaines de tunnels un peu partout.

    Des bruits de pas retentirent soudainement. Eralius me poussa derrière un mur, suivi de Tolarys.

    -Eh, j'ai entendu des bruits par là !

    Je sursautai. Des Altirys nous avaient repérés ! Un autre s'exclama.

    -Je vais voir !

    Mais... Ces voix... Je les connaissais ! Elles provenaient des Altirys qui m'avaient sauvé l'autre jour ! Malheureusement, nous étions coincés contre le mur. Les bruits de pas devinrent de plus en plus bruyants. Nous vîmes alors quelques silhouettes près de nous. Tolarys sortit son épée. Nous n'avions plus le choix ; il fallait se battre... Mais je ne voulais pas les tuer, moi !

    L'un deux cria notre position à ses camarades. En l'instant de quelques secondes, le groupe nous encercla. Heureusement, ils n'avaient pas l'air de me reconnaître : mon déguisement fonctionnait à merveille. Tolarys engagea alors un combat à l'épée. Les bruits de lames s'entrechoquant résonnèrent à travers la grotte. Eralius, en voyant son compagnon seul face à tout un groupe d'Altirys se décida à l'aider. J'essayai de me faire toute petite en restant à l'écart du combat. Je n'avais pas très envie de me faire couper en rondelles. Le groupe semblait trop occupé pour s'apercevoir de ma présence ou alors,ces Altirys devaient penser que je n'étais pas une menace pour eux et préféraient d'abord éliminer mes amis.

    Les bruits de métal qui ne cessaient de résonner étaient insupportables. Bien que je regardais autre part qu'en direction du combat, je devinais ce qu'il se passait. Un cri résonna alors, me forçant à tourner la tête. Je ne reconnaissais pas la voix provenant de cette personne, donc à mon grand soulagement ce n'était pas Tolarys ni Eralius, mais j'avais quand même un mauvais pressentiment. Bientôt, ce fut ma voix qu'on entendit lorsque je vis deux corps d'hommes Altirys mutilés gisant à terre. La luminosité était faible mais j'aperçus deux autres hommes et reconnus l'un d'entre eux ; celui qui m'avait sauvé en me tirant dans ce trou alors que je me faisais poursuivre par tout un village.

    Son compagnon décida d'abandonner le combat pour crier notre présence à quiconque entendrait. Alors qu'il allait atteindre la sortie, Tolarys fonça sur lui et ne l'épargna pas. Maintenant, il ne restait plus que mon sauveur. J'avais pitié de lui. Peut être était-ce simplement de la reconnaissance ? Pourtant, je n'osais pas tenter de le sauver. Heureusement qu'il se défendait bien face à Eralius, ce devait être un as à l'épée ! Tolarys prit part au combat et aida Eralius. Le pauvre homme faiblissait à chaque minute qui passait.

    Des bruits de pas retentirent soudainement près de l'entrée de la caverne, plus nombreux que le petit groupe. Mes amis comprirent vite qu'ils n'avaient plus le temps de continuer le combat. Eralius se mit à courir et me prit le bras au passage pour que je le suive. J'eus juste le temps d'apercevoir Tolarys qui venait d'achever l'homme contre lequel il se battait. Une boule désagréable se forma dans mon ventre : je n'avais rien pu faire pour lui et sa mort m'attristait.

    Tolarys nous rejoignit et lança la feuille d'astuces à Eralius pour qu'il nous montre le chemin. Plus on avançait, plus il faisait sombre ; nous avions oublié la torche ! Eralius me lâcha mais je continuai de le suivre comme je pus. Bien qu'il allait vite, je tenais bon. Maintenant, nous nous dirigions à l'oreille, grâce aux bruits de pas qu'Eralius faisait. Je n'arrivais pas à croire qu'il pouvait continuer de lire la feuille alors qu'il faisait presque noir.

    Une lueur apparut. Nous nous dirigeâmes vers elle. Mon cœur se mit à battre : enfin, de la lumière ! Après quelques pas, je pus distinguer une torche accrochée au mur. Eralius n'alla pas plus loin.

    -Je crois qu'on est arrivé... Mais, je ne vois rien !

    Tolarys examina le mur en le caressant pierre après pierre. Je le regardais faire sans bouger.

    -Tolarys, que fais-tu ?

    Mon entraîneur ne répondit pas tout de suite. Il caressa d'abord quelques autres pierres et se retourna ensuite.

    -Si la feuille dit que c'est ici, il doit y avoir un passage... Il faut juste trouver l'interrupteur.

    Un "clic" retentit. Une partie du mur s'effondra, laissant place à une grande porte en bois. Par surprise, nous avions fait quelques pas en arrière. Je regardai la porte avec stupeur. Mais il ne fallait pas que je m'étonne : après tout, j'étais dans un jeu, et dans un jeu, il pouvait se passer tout et n'importe quoi !

    Eralius s'approcha de la porte en se méfiant. Il colla son oreille contre elle en espérant entendre quelque chose. Tolarys le frappa à la tête et le força à s'éloigner.

    -On ne t'a jamais appris à ne pas écouter aux portes ?

    Eralius le fixa en clignant des yeux. Il ne s'attendait pas à cette remarque. Moi non plus, d'ailleurs ! Tolarys soupira et continua.

    -Les bonnes manières doivent être respectées en présence d'un mage. Ils sont les êtres les plus importants de notre monde. On dit que leur puissance est telle, que même les chefs sont obligés de se soumettre face à leur volonté. 

    Eralius ne répondit rien. Il devait surement être intimidé maintenant. Il s'approcha timidement de la porte et frappa. Une voix d'homme âgé s'exclama.

    -Qui est là ? Que voulez-vous ?

    Eralius regarda Tolarys en attendant une réponse de sa part. Celui-ci fit un signe de tête pour l'encourager.

    -Heu... Et bien... Mon nom est Eralius, je suis un paysan Inorays niveau 14 et... Je suis venu avec deux autres personnes.

    La voix répondit d'un ton menaçant.

    -Que voulez-vous ?

    Eralius prit un moment de silence avant de lancer.

    -Et bien... Une jeune fille voudrait rentrer chez elle... Elle vient de l'autre monde...

    Cette fois, la voix parut plus intéressée.

    -De l'autre monde ?

    La porte s'ouvrit lentement. Nous allions enfin pouvoir rentrer ! Je vis alors un vieil homme qui possédait une longue barbe blanche et des cheveux de la même couleur. Ses yeux bleus étaient aussi clairs que sa peau ridée. Il ne lui manquait plus qu'un chapeau pointu pour ressembler au mage dessiné sur la boite du jeu. A première vue, il m'avait l'air d'une personne de confiance, doté d'une énorme sagesse. Peut être connaissait-il le moyen de me ramener chez moi ? Le mage resta quelques secondes à nous fixer, stoïque, avec un visage crispé. J'avais oublié ; nous avions toujours notre "déguisement", et il lui était visiblement difficile de garder son sérieux face à trois personnes couvertes de boue. Ce fut Tolarys qui raconta explicitement notre situation afin d'ôter toute méfiance de l'esprit du vieil homme. Celui-ci finit par éclater de rire et nous invita à entrer.

    Je suivis mes compagnons à l'intérieur de ce "passage secret". J'écarquillai les yeux en découvrant l'endroit où je me trouvais. C'était une grande salle dont les murs blancs étaient couverts d'étagères remplies de livres et de matériels de chimie. Le sol était fait de pierres mais sa brillance démasquait sa propreté. Et bien qu'il n'y avait aucune fenêtre, on y voyait aussi clair qu'en plein jour. Le mage s'empressa de nous apporter des torchons ainsi qu'une bassine d'eau afin de nous permettre de nous débarbouiller. Nous retrouvâmes un physique à peu prés correct, cela faisait du bien de ne plus se sentir entièrement sale. L'hôte me fixa quelques secondes en souriant, avant de demander poliment.

    -Est ce que l'habitante de l'autre monde est cette jolie demoiselle ?

    Je tournai la tête vers le mage en sachant que c'était à moi qu'il s'adressait.

    -Oui... Je voudrais rentrer chez moi !

    Le mage me contemplait comme si j'étais un objet de grande valeur dans un musée. Il finit enfin par me poser une question utile.

    -Comment t'es-tu retrouvée ici ?

    J'en avais marre de raconter mon récit. Mais j'en étais malheureusement obligée si je voulais sortir d'ici. Je préférais donc lui faire un résumé.

    -Je ne sais pas trop... Pendant que je jouais, je me suis fait kidnapper par des Altirys et un homme... Un mage, comme vous je crois, a fait boire un liquide à mon personnage... Et ensuite je me suis retrouvée dans ce monde...

    Le mage me coupa avant que je ne finisse.

    -Attends, tu veux dire qu'avant de te retrouver ici... Tu y étais déjà ? Depuis quand es-tu coincée dans notre monde ?

    Je réfléchis en essayant de me remémorer combien de temps est passé depuis cet incident.

    -Heu... Quelques jours je crois...

    Tolarys s'exclama, comme si ma réponse était improbable.

    -C'est faux... Je suis avec elle depuis des semaines !

    Le mage était un peu perdu. Il devait sûrement essayer de comprendre ce qui m’était arrivé. En tout cas, mon histoire l'intéressait.

    -Si tu viens de l'autre monde, tu devais jouer sur la "machine magique" !

    Je ne répondis pas de suite. La "machine magique" ? Voulait-il parler de l'ordinateur ? Comment connaissait-il cet objet ?

    -Heu... Oui, vous voulez dire un ordinateur ?

    Le mage me fixa, pensif, avant de répondre.

    -Ah c'est comme ça que vous l'appelez ? (Il reprit ses esprits et m'expliqua) En fait, tu étais déjà à moitié dans ce monde quand tu as commencé à jouer...

    Ce fut encore Tolarys qui ravala sa salive et s'interposa.

    -Maitre Straterlinus, ce monde est tout ce que vous voulez... Sauf un jeu !

    Le mage tourna la tête vers Tolarys et soupira.

    -Pour toi, non... Mais pour les habitants de l'autre monde, c'est un jeu ! Tu ne connais pas tout de l'Histoire de ce monde, Tolarys ? Cela m'étonne pour quelqu'un de ton rang. Et bien je vais te raconter un événement important. Il y a quelques générations de cela, lorsque les premiers chefs des deux tribus montèrent sur le trône, des personnes étranges firent leur apparition, plus particulièrement des villageois Inorays qui n'avaient pas dépassé le niveau 10 malgré leur âge. Ils avaient un discours assez inquiétant, et nous parlaient d'un monde parallèle, contrôlé par une machine mystérieuse. Plusieurs d'entre eux se retrouvèrent "enfermés" comme la demoiselle, et cherchaient une sorte de but, de mission à terminer en affirmant qu'ils devaient "finir le jeu" pour rentrer chez eux. Hélas, la plupart d'entre eux n'ont pas survécu longtemps, surtout lors des invasions d'Altirys qui se sont faites de plus en plus nombreuses. 

    Je frissonnais en écoutant son récit. S'il fallait que je finisse ma vie ici, je ne voulais pas que ce soit à cause d'une invasion d'Altirys ! J'en profitai, en voyant que ce mage connaissait beaucoup de choses, pour demander plus d'explications.

    - Est-ce qu'il y a d'autres habitants de mon monde en vie ? Comment est-ce qu'on peut terminer le jeu ? Pourquoi ne peut-on pas choisir sa tribu ?

    Tolarys me lança un regard noir lors de ma dernière question. Le mage ne sut pas répondre de suite et fut rapidement lassé de ma présence face à ma grande curiosité.

    -Je ne peux pas répondre à tes questions. Ce sont les habitants de l'autre monde qui ont fait de ce monde un jeu. C'est à eux qu'il faut demander... Et pour en revenir à ton problème, je ne peux rien faire non plus !

    Je m'attendais à cette réponse mais elle ne me plaisait pas du tout. En espérant ressortir d'ici avec un indice, je lui suppliai.

    -Dites-moi au moins qui m'a envoyé ici !

    Le mage acquiesça.
    -En toute logique, c'est le mage Romulus. Le mage des Altirys. Il s'intéresse beaucoup à votre monde. Une rumeur dit même qu'il aurait inventé une potion pour envoyer l'un de vous dans notre monde... A ce que je vois, elle a marché !

    Il se mit à rire. Personnellement, je ne voyais pas du tout ce qu'il y avait de si drôle. J'aimerais juste rentrer chez moi ! Décidément, Eralius était le seul à me comprendre et à me prendre au sérieux. Je reposai donc une dernière question.
    -Et où est-il ce fameux mage ?
    Le mage me regarda comme s'il ne savait pas de quoi je parlais.
    -Romulus ? Ah, je ne sais pas. Mais vous pourriez toujours demander aux habitants de cette contrée. Ils doivent sûrement le savoir !
    Tolarys s'exclama.
    -Mais nous passerons pour des idiots si nous ne connaissons pas l'endroit où habite ce mage Altirys...
    Le mage Straterlinus haussa les épaules.
    -Ceci est votre problème. Je vous ai dis tout ce que je savais. (Il tourna la tête en prenant un air plus amical) En tout cas, ce fut un plaisir de rencontrer une habitante de l'autre monde.

    Tolarys se dirigea vers la porte et fit une petite révérence avant de sortir, imité par Eralius. Je les suivis timidement. Lorsque je fus revenue dans le tunnel, le mage frappa des mains et la porte se referma en faisant réapparaitre le mur qui la cachait. Tolarys décrocha la torche -pour l'instant, seule source de lumière- et prit le chemin inverse indiqué sur ma feuille d'astuce. Lorsque nous arrivâmes au point de départ, Tolarys s'arrêta brusquement, nous forçant à faire de même. Il sortit son épée.
    -Il y a d'autres personnes que nous ici...

    A peine eut-il dit ces mots, qu'un petit groupe d'Altirys sorti de l'ombre. En ne voyant que trois personnes, j'eus un peu d'espoir. Malheureusement, deux autres groupes composés du même nombre d'Altirys rejoignit le premier. Nous étions encerclés ! Une voix retentit.
    -Ne cherchez pas à vous échapper. Vous pourriez y perdre la vie !
    Je reconnaissais cette douce voix... C'était celle du bel homme aux yeux vert ! Justement, je le vis apparaitre hors et groupe et se mettre devant nous. Mon cœur se mit à battre. Je ne savais pas si j'avais peur ou si j'étais excitée à l'idée de le voir si prés de moi. L'homme fixa nos habits en laissant échapper un petit rire.
    -Alors c'étaient vous les "traitres"... Je comprends mieux. Emmenez-lez ! S’ils coopèrent, ils auront peut être la vie sauve.
    Tolarys s'exclama furieusement. Moi aussi je n'étais pas contre l'idée de me révolter...
    -Plutôt mourir de suite que de vous suivre jusqu'à votre château !
    L'Altirys concerné ricana.
    -Si cela est ton désir, je ne le refuserai pas !

    En disant ces mots, il sortit son épée. Tolarys avait sans doute parlé trop vite... Non, je ne voulais pas qu'ils fassent de combats ! Eralius me prit dans ses bras en m'empêchant de faire quoi que ce soit. L'homme aux yeux vert se jeta sur lui et engagea un combat féroce à l'épée. D'autres Altirys voulurent l'aider mais il refusa en leur faisant comprendre que c'était son combat. Ses yeux ne reflétaient aucuns sentiments. Il était plutôt calme et avait l'air de prendre ce combat pour un jeu. Il avait l'air sûr de lui. Tolarys ne tiendra pas longtemps face à lui !

    Les deux hommes continuaient à se battre sans aucune pitié. Les Altirys formaient un cercle autour d'eux tout en nous surveillant. Je regardai Eralius en espérant qu'il aurait une idée. Il me fit signe d'attendre avant d'agir. Il s'aperçut tout de même que j'avais peur et me serra dans ses bras en me réconfortant. Ça me consolait un peu... Les minutes passaient et le combat durait. C'est alors que je m'exclamai : Tolarys venait de trébucher et était tombé à terre. Ça aurait pu être la fin s'il ne savait pas manier l'épée comme un pro !
    -Arrêtez ce combat, c'est un ordre !

    Je regardai autour de moi d'où pouvait venir cette voix. Cette phrase me redonna espoir. Je vis enfin la personne qui venait de sauver Tolarys. Celui-ci ne rangea pas son épée, comme le fit son bel adversaire, mais n'attaqua pas non plus. Le nouvel arrivant poussa quelques Altirys et entra dans le cercle. Je pus distinguer son physique ; il avait de très cours cheveux marron grisâtre et de petits yeux bleu clair. Ce qui le différenciait des autres Altirys était sa petite cape violette foncée. L'homme aux yeux verts ne tarda pas à expliquer ce qu'il se passait.
    -Ce n'est pas ce que vous croyez ! Ce ne sont pas des Altirys... Ce sont des Inorays déguisés !

    Eralius me dégagea de son étreinte et me prit la main en me faisant comprendre que c'était le moment ou jamais de partir. Il fit un signe discret à Tolarys et s'éclipsa pendant que les Altirys regardaient l'homme aux yeux verts et son compagnon en train de se disputer. Eralius courrait de plus en plus vite. Seul mon instinct de survie me permettait de ne pas le distancer. Tolarys nous rejoignit lui aussi jusqu'à l'entrée de la caverne. Quelques Altirys -qui venaient enfin de s'apercevoir de notre absence- donnèrent l'alarme.

    Je pus juste voir l'homme aux yeux vert lancer un regard furieux au nouvel arrivant. Maintenant, la seule chose à laquelle je pensais était de m'enfuir d'ici. J'accélérai mon pas. Mais je n'arrivai pas à garder mon rythme. La beauté de l'homme que j'aimais me revint à l'esprit. Je commençai à regretter d'être partie. Tolarys sentis que je rêvais. Il me serra très fort ma main droite pour que je reste concentrée. Je regardai alors Eralius. Était-ce aussi de l'amour que je ressentais envers lui ? Ou alors de la reconnaissance pour m'avoir sauvé mainte fois ? Mon cœur préférait bien évidemment le bel inconnu. Il avait tout ce que je voulais : la beauté, la galanterie, mon âge... Eralius était tout de même plus jeune que moi. Même s'il était beau, courageux, fort, gentil, loyal...

    Une lumière me sortit de mes pensées. Nous étions sortis du bois... Ou alors on était dans un coin de la forêt où il n'y avait pas d'arbres... Dans tous les cas, on n'entendait plus aucun bruit de pas à part les nôtres... Nous les avions donc semés ! Eralius et Tolarys ralentirent et je pus faire de même. Mes pieds se soulagèrent de ne plus courir. Nous continuâmes tout droit en marchant lentement, vers un autre bois. J'avais raison : nous n'étions pas encore sortis de la forêt !

    Tolarys engagea la conversation pour rompre le silence qui s'était installé.
    -Bon… La seule chose qu’on a réussit à découvrir est le nom du mage qui t’a envoyé ici…
    Je le regardai avec espoir.
    -Tolarys, tu commences enfin à me croire ?!
    Après tout ce temps, s'il ne me croyait pas encore c'était qu'il le faisait exprès !
    -Je ne sais pas quoi penser… Bref, qu’allons nous faire ? Nous n’allons tout de même pas interroger les habitants ?! Plutôt se livrer tant que vous y êtes !
    Nous n'étions pas loin du village alors ? Eralius fut le seul à lui répondre.
    -Non… Nous n’allons pas leur demander gentiment vu que ça ne servirait à rien… Nous devrions en capturer un et le menacer !
    Comment ça "en capturer un et le menacer" ?! Je n'étais pas vraiment d'accord avec cette idée...
    - Vous n’avez pas une autre idée que la menace ?! Je n’ai jamais aimé ça !

    Bon, je m'étais un peu laissé emporter par la colère. Mais je détestais que l'on menace des innocents. Pour l'instant, je paraissais idiote aux yeux de mes compagnons mais je ne regrettais pas ce que je venais de dire. Pourtant, un sentiment de regret s'empara de moi lorsque je me dis qu’ils avaient risqués leur vie pour moi... Et que c'était aussi ma faute s'ils étaient ici. Je ne dis plus un mot jusqu'à la fin de notre trajet.

    Nous arrivâmes dans un endroit de la forêt assez accueillant. Nous étions entourés de buissons et pas très loin se trouvait une source d'eau. En voyant que personne n'avait emmené la tente, je devinais que nous allions devoir faire notre propre lit avec ce que la nature pouvait nous offrir. J'imitai Tolarys et Eralius en ramassant les feuilles que je pouvais trouver et en faisant un gros tas assez confortable. Lorsque j'eus fini, je testai mon lit en me laissant tomber dedans. Ce n'était pas silencieux mais c'était aussi moelleux qu'un matelas.

    Et maintenant, que faire ? Attendre le lendemain ?  Je soupirai. Je commençai à m'ennuyer. Un jeu n'était-il pas censé nous divertir ? Je décidai d'aller marcher un peu. Je profitai que Tolarys et Eralius soient occupés à finir leur lit pour m'éloigner d'eux. Malheureusement, je n'étais pas très discrète.
    -Solène ? Où vas-tu ?
    J'essayai de trouver une réponse à la question de Tolarys. Mais je n'étais pas très forte là-dessus non plus.
    -Et bien... Je vais me promener !
    A mon grand espoir, il n'essaya pas de m'en dissuader. Je voulais tout de même avoir un peu de liberté !

    Lorsque je fus bien sûr que plus personne ne me regardait, je me mis à courir un peu plus loin droit devant moi. J'arrivai dans un endroit qui me disait quelque chose... Mais bien sûr, c'était l'étang ou le bel homme aux yeux verts m'avait emmené ! Je m'arrêtai au moment où j'entendis un autre bruit de pas que le mien. J'eus une sensation étrange... Quelqu'un m'épiait ! Était-ce Eralius ou Tolarys qui m'avait suivit ? Je regardai autour de moi en me méfiant. Je ne vis personne… Peut être était-ce un écureuil ? Mais je ne savais même pas s’ils existaient ici.


    Un cri s’échappa alors de ma gorge lorsqu’une main sortie de nulle part vint me plaquer contre un arbre. Mon corps se figea quand je découvris que c’était l’homme aux yeux vert. Il n’arrêtait pas de me contemplait de la tête aux pieds sans rien faire. Au bout d’un instant, il se décida à parler.
    -Trouvé !
    Quoi ? Il n’avait rien trouvé de mieux que ça à dire ? Je lui fis un regard interrogatif mais attendre une explication serait une perte de temps. Je voulais d’abord connaitre une chose plus importante.
    -Tu t’appelles comment ?
    Le bel homme esquissa un sourire malveillant mais en même temps rassurant. Il se mit à rire, comme si cette question était idiote.
    -Tu es dans cette contrée depuis assez longtemps… Et tu n’as encore jamais entendus mon nom ?

    Je fis "non" de la tête. Pourquoi devrais-je le connaître ? Il était tant important que ça pour que sa tribu me dise son nom ? Mais je n’ai entendu aucun Altirys le prononcer… Ou alors je n’y ai pas fait attention. Je lui reposai donc la question. En guise de réponse, il ria de plus bel. Lorsqu’il eut finit, il s’exclama.
    -Dis-moi d’abord le tien, jolie Inorays !
    Je rougis en pensant qu’il me trouvait jolie. Sous l’effet de la surprise, je bégayai.
    -Je… Je m’appelle… So… Solène… Et toi ?
    L’homme plongea ses beaux yeux dans les miens.
    -C’est beau Solène… Ca me fait penser… Au soleil.  A sa lumière qui nous éblouit les yeux ! Ho, mais je ne me suis pas encore présenté ! (Il se baissa et mit un genou à terre comme s’il s’apprêtait à me demander en mariage) Mon nom est Elarios. Je suis le…  Un chevalier élite Altirys dernier niveau. (Il se releva et s’approcha un peu plus de moi tout en continuant de ma plaquer avec ses deux mains) Tu es seule ?

    Il avait l’air inquiet. Mais j’étais trop absorbée par ce qu’il venait de se passer pour pouvoir réagir à sa question. Elarios… Ce nom résonnait dans ma tête. Je trouvai que ça lui allait très bien et c’était si… Beau et original ! En plus, c’était un chevalier et non un paysan ! C’était donc pour ça qu’on le respectait. Ses yeux continuaient de me fixer comme s’ils allaient me dévorer. Je commençai à trembler. Il avait une idée en tête… Qu’allait-il me faire ?
    - Que se passe-t-il ? Pourquoi trembles-tu ? Aurais tu froid ? (Il rapprocha son visage du mien) Attends, je vais te réchauffer.

    C’est alors qu’il posa ses douces lèvres sur les miennes. Je ne pouvais pas me débattre. Non seulement il me plaquait, m’empêchant de partir mais je trouvai cela agréable. C’était mon premier baiser. Je n’avais encore jamais connu le vrai amour auparavant. Mais connaître l’amour dans un jeu virtuel n’était pas une très bonne idée. C’était à cause de ça que des gens comme moi se retrouvaient bloqués à vie. Non. Je ne pouvais pas continuer ainsi ! Je devais rentrer chez moi. Elarios retira lentement ses lèvres des miennes en souriant. J’étais encore perturbée par son baiser. J’entendis alors des bruits de pas se dirigeant vers nous. Je fus soulagée lorsque je vis Tolarys.
    -Solène… (Il regarda Elarios d’un œil mauvais) Toi, l’Altirys… Je vais te massacrer !

    En disant cela, il sortit son épée et fonça sur lui. Il n’eut pas le temps de l’attaquer qu’une forme se jeta sur lui. Avant que je ne découvre qui c’était, Elarios me prit le bras et me força à le suivre. Eralius était à peine arrivé pour aider Tolarys. Elarios se mit à marcher de plus en plus vite. Je pus le suivre en courant quelques dizaines de secondes avant de fatiguer. Heureusement, il le sentit.
    -Bon… Si tu ne peux pas continuer, on va rester là. Tes amis sont assez loin pour nous voir et sont trop occupés pour venir te sauver.
    La seule chose que je pus répondre à cela fut.
    - Lâche-moi !

    Elarios fit comme si je n’avais rien dit. Justement, au lieu de m’écouter, il me prit l’autre bras et me regarda droit dans les yeux en souriant. Je sentis alors un pied me faire un croche-patte derrière mes jambes et, en l’espace d’une seconde, je me retrouvai à terre, en-dessous d’Elarios.
    -Tu craque pour moi, n’est ce pas ? Je sais que tu as un faible pour moi !
    Je ne répondis pas tout de suite. Je n’osais pas répondre… J’étais intimidée par son regard. Et il le sentait… Il en profitait ! En voyant le silence qui s’était formé, je m’aperçus qu’Elarios attendait une réponse de ma part. Je lui en sortis donc une.
    - Lâche-moi.

    Il ne m’écouta pas non plus cette fois. A la place, il rapprocha doucement son visage du mien. Je pensais que j’allais encore ressentir cette sensation agréable… Mais lorsque je sentis une lame froide sur ma joue, je sus que ça allait être tout le contraire ! La peur m’empêcha tout mouvement. Allait-il vraiment me tuer avec son poignard ? Elarios devina très vite ce que je pensais.
    -Je devrais te tuer ! Il est en mon devoir d’éliminer TOUS les Inorays !
    Ca je l’avais compris…
    -Alors… Pourquoi ne le fais tu pas ?
    Et si ce n’étais pas ce qu’il fallait répondre ? Me connaissant, je savais que je parlais trop vite… Peut être allait-il vraiment me tuer.
    -Parce que moi aussi j’ai des sentiments pour toi !

    J’ouvris de grands yeux en entendant cette réponse. Je m’y attendais un peu mais c’était si soudain… Il continua.
    -Cela te choques peut être mais c’est comme ça ! L’on ne peut pas contrôler nos sentiments. (Il posa le poignard dans l’herbe, à coté de lui) Je ne vais pas te tuer mais…
    Cette fois, je ressentis des lèvres sur les miennes. C’était bon mais je n’arrivais pas à y prendre gout. J’avais peur. Le connaissant, il serait capable d’aller plus loin ! J’essayai de protester mais je n’y arrivais pas. Mon corps était encore paralysé. Il avait raison : on ne peut pas contrôler nos sentiments…  Heureusement, il se redressa.
    - Pourquoi te laisses-tu faire ? J’avais donc raison, tu as vraiment un faible pour moi… (Je commençai à devenir aussi rouge qu’une tomate) Moi aussi je t’aime Solène, ce n’est pas difficile à dire quand même !

    Il se releva et m’invita à faire de même en me montrant sa main. Je la pris volontiers et me remis debout. Il en profita pour continuer à prendre mon bras et ne plus le lâcher. Moi qui voulais marcher pour avoir un peu de liberté, je n’étais pas gâtée. Je vis que dans sa deuxième main, il tenait fermement son poignard. Je m’aperçus alors qu’il regardait droit devant lui. Par curiosité, je regardai au même endroit. Tolarys venait juste d’arriver avec Eralius. Ils avaient réussis à se débarrasser des Altirys ! J’étais contente de les revoir !
    Elarios me colla contre lui et mit son poignard sous ma gorge. Je ne m’attendais pas du tout à ça !
    -Si vous faites un pas de plus, je l’égorge.

    Mes deux amis firent un pas en arrière. J’aimais bien les voir s’inquiéter pour moi ! Cependant, je n’étais pas satisfaite de la posture où j’étais. J’essayai de me dégager en vain. J’avais peur que le poignard ne s’enfonce dans ma peau.
    -Qui êtes vous Inorays ?! Et que venez vous faire dans notre contré ?!
    Éralius s’approcha et  s’inclina, par respect de son rang.
    -Mon nom est Éralius, paysan Inorays niveau 14 !
    Il se releva et recula de quelques pas. Tolarys ne dit rien. En connaissant sa fierté, je devinai qu’il ne s’inclinerait jamais devant un Altirys. Élarios les regarda d’un regard noir.
    -Qu’êtes vous venu faire ici, paysans Inorays.

    A cette remarque, Tolarys ouvrit de grands yeux et sortit son épée. Il s’approcha férocement de nous.
    -Ne me traite pas de paysan ! Je fais partit des chevaliers élites des Inorays ! Mais toi, pas besoin de te présenter. Je sais déjà que tu es lâche !
    Elarios se mit à rire.
    -A oui ? Et pourrais’ je savoir pourquoi ?!
    Tolarys ne tarda pas à répondre.
    -Tu te sers d’une fille comme défense ! Relâche la, prend ton épée et bats toi !!!
    L’Altirys fut d’accord avec la proposition de Tolarys. Il s’exécuta et me laissa partir. Je courus me réfugier dans les bras d’Eralius en tremblant de peur. Elarios venait de sortir son épée et lança.
    -Tu es courageux de vouloir m’attaquer une deuxième fois ! J’aurais dû te tuer la dernière fois mais le destin a voulut que ta mort soit maintenant ! Alors que son souhait soit exécuté !

    Son regard démasquait le fait qu’il était sûr de ce qu’il faisait. Il attendit que Tolarys se jette sur lui pour faire un bond sur le coté et l’attaquer au bras qui tenait l’épée en lui faisant une petite blessure mais assez profonde pour le faire gémir et lâcher son épée. Ho non ! Elarios allait tuer Tolarys ! Il leva son épée, prêt à frapper. Je voulus me serrer contre Eralius mais je m’aperçus qu’il n’était plus là…
    -Tricheur ! Sors de là ou c’est toi que je tuerais aujourd’hui !
    Eralius venait se sortir son épée et s’était attaqué à Elarios. Je laissai échapper un soupir de soulagement.
    -Je ne te laisserai pas tuer un de mes amis !
    Elarios éclata de rires.
    -Ho !!! Les Inorays ont tellement de cœur que ça ?! C’est dangereux pour les règles du combats ça !
    Tolarys réussit à prendre son épée de son autre bras. Il se releva avec beaucoup de mal et lança en direction d’Éralius.
    -Éralius, ceci est notre combat, pas le tien ! Écarte- toi !

    Eralius s’exécuta de bon cœur et revint vers moi en hésitant. Moi je restais où j’étais sans rien oser faire. De toute façon, que pouvais-je faire ? Crier ne servirait à rien.  Mais j’avais besoin de Tolarys. Je ne pourrai jamais continuer sans lui. Je fixai Elarios d’un air suppliant qui pourrait peut être lui donner un peu de pitié. Tolarys –toujours à terre- commençait à fatiguer. Elarios n’eut pas de mal à lui faire lâcher son épée. Avant de recommencer son coup mortel, il me regarda. Je ne sus pas si ce fut de la pitié ou de l’amour mais il ne l’acheva pas. A la place, il lui fit une blessure à son deuxième bras. Tolarys gémit.


    -A quoi joues-tu ?! Pourquoi ne m’achèves-tu pas ?
    Eralius se baissa pour pouvoir lui murmurer.
    -Non. Je veux te voir souffrir avant ! Je n’achève rarement mes proies sans leur avoir donné le gout de la souffrance !
    Soudain, des bruits de pas retentirent. C’était encore des Altirys qui accouraient. Ils étaient moins nombreux que dans la caverne mais sans Tolarys, nous étions perdus. L’un des Altirys s’inclina devant Elarios.
    -Sire, sa majesté vous demande… (Il s’aperçut enfin de notre présence) C’est eux, attrapez les !


    Eralius me prit la main et m’obligea à fuir avec lui. Je protestai. Je ne voulais pas laisser Tolarys aux mains des Altirys ! Je ne voulais pas qu’il meurt !!! Je fus surprise de voir qu’Elarios ne l’acheva pas encore mais l’attacha avec une corde qu’un des Altirys venait de lui donner et repartit en l’emmenant. Eralius m’avait convaincu. Je m’étais mise à courir. Voir Tolarys vivant m’avait réconforté et donné un peu de courage. Cependant, je m’exclamai.

    -Attend, on ne peut pas le laisser !
    Eralius baissa la tête et soupira.
    -Nous ne pouvons rien faire pour l’instant… A part si tu veux te faire prendre !
    Je ne répondis rien. Il avait raison ! Je devais renoncer à lui pour une fois. Nous continuâmes de courir droit devant nous. Après quelques minutes, il s’arrêta.
    -On les a semés !  Viens, on va rester ici cette nuit !


    J’acquiesçai. Je regardai autour de moi et reconnus l’endroit où nous avions préparés nos lits… Malheureusement, il y en aura un qui sera vide cette nuit. Je m’installai sur mon tas de feuille et regardai dans ma sacoche si ma feuille d’astuce y était encore. Je la sortis en me soulageant. Cependant, je vis un deuxième papier. Par curiosité, je le sortis aussi. Je ne me souvenais pas d’avoir ça auparavant dans ma sacoche. Après avoir vérifié qu’Eralius ne me regardait pas, je lus, par curiosité, ce qu’il y avait sur le papier.


    "Si tu veux que ton ami reste vivant, rejoins moi seule à l’étang demain matin je t’y attendrais ! "


    Quoi ? Qu’est ce que ça voulait dire ? Etait-ce Elarios qui m’avait écrit ce mot ? Mais comment a-t’il fait pour me le mettre dans ma sacoche sans que je ne le voie ? Ou alors… Il avait tout préparé depuis le début…  Je n’aimais pas ça mais mon instinct me conseilla d’y aller. C’était décidé ! J’irai au rendez-vous demain matin !

     

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